L'écriture ou la vie

L'écriture ou la vie, Jorge Semprun



Titre: L'écriture ou la vie
Auteur: Jorge Semprun
Maison d'édition: Folio
Genre: Guerre, Camps de concentration, Vie, Mort
Date de parution: 1994



Résumé:
Déporté à Buchenwald, Jorge Semprun est libéré par les troupes de Patton, le 11 avril 1945. 
L'étudiant du lycée Henri lV, le lauréat du concours général de philosophie, le jeune poète qui connaît déjà tous les intellectuels parisiens découvre à Buchenwald ce qui n'est pas donné à ceux qui n'ont pas connu les camps : vivre sa mort. Un temps, il va croire qu'on peu exorciser la mort par l'écriture. Mais écrire renvoie à la mort. Pour s'arracher à ce cercle vicieux, il sera aidé par une femme, bien sûr, et peut-être par un objet très prosaïque: le parapluie de Bakounine, conservé à Locarno. Dans ce tourbillon de la mémoire, mille scènes, mille histoires rendent ce livre sur la mort extrêmement vivant. 
Semprun aurait pu se contenter d'écrire des souvenirs, ou un document. Mais il a composé une oeuvre d'art, où l'on n'oublie jamais que Weimar, la petite ville de Goethe, n'est qu'à quelques pas de Buchenwald.

Mon avis:

Ce livre est une pépite! J'ai rarement vu un roman aussi fort, aussi poignant. Jorge Semprun aborde l'histoire des camps de concentration de manière totalement différente de tout ce qui m'a été donné de voir jusqu'à présent, et pourtant j'ai lu beaucoup de romans de cette période. 
L'auteur est d'origine espagnole, expatrié en France, à Paris. A l'époque de la Seconde Guerre Mondiale, il étudie la philosophie, et connaît de nombreux artistes à Paris. Cette érudition, cette culture se retrouve donc beaucoup dans le récit autobiographique de Semprun, et c'est ce qui fait diminuer la pression du récit, ou l'augmenter. Il fait sans cesse des références, et clins d’œil aux auteurs qu'il connaît, et cite des extraits de poèmes, de chansons, de romans quand une situation qu'il vit lui rappelle qui il a été, et ce qu'il a vécu. Dans ce texte, Semprun mêle les moments légers, aux moments de douleur. Il mêle les mots, dans une danse particulière de la littérature. Ainsi, à l'aide de jeux de mots, de répétitions et de poésie, l'auteur fait passer un message très fort au lecteur. Et c'est plus d'une fois que je suis restée bouche bée face à la beauté des phrases de Jorge Semprun, ou que j'ai pleuré tellement l'auteur arrive à faire passer l'émotion dans son roman. On sent, en tant que lecteur, que Semprun, qui assemble des bribes de vie, essaie de se reconstruire, de construire l'histoire de sa vie. Mais comment parler de la vie quand on a vécu la mort? Quand la mort a fait parti de sa vie? Que choisir entre l'écriture (qui replonge dans la mort) ou la vie?
Et puis il faut savoir que Semprun a publié L'écriture ou la vie en 1994, bien qu'il ait été libéré en 1945. L'auteur explique ceci, dans son roman: « J'étais revenu à la vie. C'est-à-dire dans l'oubli : la vie était à ce prix. Oubli délibéré, systématique, de l’expérience du camp. Oubli de l'écriture, également. Il n'était pas question, en effet, d'écrire quoi que ce fut d'autre. [ ...] Il me fallait choisir entre l'écriture ou la vie, j'avais choisi celle-ci. J'avais choisi une longue cure d'aphasie, d'amnésie délibérée, pour survivre. » Et de moi à vous, il publie peut-être cette oeuvre aussi tard, car à la fin de la guerre, les gens ne se préoccupaient pas des déportés revenus à la vie. Peut-être étais-ce trop dur de voir ce qu'ils avaient laissé faire, de voir les horreurs que l'Homme peut infliger à l'Homme?  Les récits concentrationnaires ont donc été laissés de côté pendant une longue période, mais aujourd'hui je pense qu'il nous faut revenir dessus, car nous nous n'avons plus de mémoire immédiate des camps de concentration. Nous sommes la troisième génération après celle qui a vécu la Seconde Guerre Mondiale. En 2017, tout les déportés sont mort, la seule possibilité pour nous d'avoir un témoignage est de regarder des interviews, ou de lire des témoignages, parce que ce qu'on nous apprend à l'école n'est pas suffisant.

« Car je ne veux pas d'un simple témoignage. D'emblée, je veux éviter, m'éviter, l'énumération des souffrances et des horreurs »

 « c'est que la littérature est possible seulement au terme d'une première ascèse et comme résultat de cet exercice par quoi l'individu transforme et assimile ses souvenirs douloureux, en même temps que se construit sa personnalité. »

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